Test écrit par Murazame
Développé et édité par maître SEGA, Blue Seed -Kushinada Hirokuden- est le produit dérivé d'un anime populaire des années 90 qui avait accompagné le succinct manga éponyme de Takada Yûzô, auteur également du non moins célèbre 3x3 Eyes. Succinct car resté inachevé, son papa ayant alors préféré concentrer tous ses efforts sur la série TV.
Avec une sortie en juin 1995, il peut du reste se targuer d'avoir été le premier titre à entrer dans le rayon jrpg de la console, si on met de côté la curiosité nommée Virtual Hydlide.
Hitobashira, magatama, abracaramba
Pour résumer brièvement sans trop paraphraser l'encyclopédie du web, c'est une histoire qui, tout en s'inspirant librement de certaines légendes japonaises tout droit tirées du Kojiki, met en scène Momiji Fujimiya, une adolescente fraîchement engagée dans une agence spécialisée dans la lutte contre les aragami ; des créatures maléfiques que ses ancêtres à elle, le clan Kushinada, étaient parvenus autrefois à sceller. Le fait qu'ils se soient réveillés à sa naissance, voilà quinze années, laisse peu de place au doute quant au rôle de sacrifiée (hitobashira) qu'ils lui réservent. Fidèle à l'oeuvre de Takada mais en même temps soucieux de préserver sa cohérence, le jeu prend la forme d'un spin-off n'interférant pas avec l'anime, comme en témoigne d'ailleurs le générique officiel repris tel quel en introduction, à ceci près que Kaede Kunikida, la soeur jumelle de Momiji, s'efface au profit d'un nouveau personnage, Kasumi Kusonoki.
Située en plein Tokyo, dans un immeuble au coeur du quartier très branché qu'est Shinjuku, cette officine gouvernementale est dirigée par Kunikida Daitetsu, dont le sérieux de façade dissimule mal son penchant pour les calembours périmés, quand ils ne sont pas foireux.
Une team qui du reste, fait fit des règles de parité en étant presque exclusivement féminine, Yoshiki Yagaeshi, grand consom-mateur de jeux érotiques, et accessoirement expert informatique, en étant l'autre seul représentant masculin. Tous ont toutefois un talent particulier, mis en avant dans le gameplay (bouton X) pour aider à la progression dans les couloirs souterrains, montagneux ou autres que l'on sera amenés à explorer.
Yoshiki révèle donc les portes cachées grâce à son PC custom. Ryoko Takeuchi, la brune ténébreuse et tireuse d'élite, collectionneuse d'ours en peluche à ses heures perdues, manie une espèce de taser pour chatouiller les indésirables. Sakura Yamazaki, l'“américo-miko” peroxydée, peut invoquer un shikigami qui sondera le terrain pour y déceler les pièges. Enfin, ancienne militaire au tempérament de feu et sans aucun doute la plus virile de tou(te)s, Ko'ume Sawaguchi n'hésitera pas à faire usage de kilos de TNT pour dégager les accès bouchés, tandis qu'Azusa Matsudaira, scientifique spécialisée en biotechnologie, ne se balade jamais sans sa lampe de poche tétanisante.
D'un naturel folâtre mais pourvue d'un sixième sens lui permettant de détecter les monstres à proximité, Momiji pourra surtout compter sur son chevalier blanc, le puissant Mamoru Kusanagi, détenteur du pouvoir des sept magatama, qui saura toujours intervenir avec un timing parfait, c'est à dire chaque fois que la petite culotte de sa protégée sera en danger (abracaramba ! ) !
Blue Seed -Kushinada Hirokuden-, c'est un peu X-Files à la sauce manga, soit une grande enquête s'étalant sur treize chapitres, nombre maudit s'il en est, où s'entremèlent paranormal, mythologie et affaire d'état, arrosée d'une grosse louche d'humour et de bonne humeur, ainsi qu'une quantité appréciable de petites culottes. À la tête d'une équipe chaque fois désignée par Kunikida, les investigations nous amèneront à visiter l'autre Japon, celui des profondeurs empruntes de mystères, chichement éclairées et peu accueillantes, plus communément appelées "donjons" dans le jargon du jeu vidéo.
Les dessous des cartes
Une progression dirigiste assortie d'un gameplay dépouillé qui, avec un level-up aux abonnés absents et un équipement réduit à sa plus simple expression (un seul et unique slot par perso, qui permet d'y insérer l'un des objets que l'on récupèrera notamment auprès du centre R&D, joignable via le PC dans la pièce adjacente au bureau de Kunikida), a le mérite de s'affranchir de certaines redondances du genre pour se focaliser sur un système de combat (presque) unique en son temps. Du coup, on est plus enclin à fuir une faune ennemie qui ne génère rien d'autre qu'une perte de temps, et surtout d'énergie que les boss, beaucoup plus coriaces, exigeront d'être à son plein.
Chose (presque) jamais vue à l'époque donc, les batailles reposent sur l'usage de cartes suivant ces règles : symbolisée par une épée, une attaque inflige la perte d'un point de vie (le double, le quadruple, le sextuple et l'octuple avec respectivement deux, trois, quatre et cinq de ces mêmes cartes employées simultanément), le bouclier de la défense annule un point d'attaque et l'agilité fixe le nombre de cartes utilisables par tour. À cela s'ajoutent cinq autres cartes de soutien, et une spéciale qui diffère selon le perso (six au total). Or qui dit jeu de cartes, dit forcément hasard et c'est effectivement le cas ici. On y est tributaire d'une part d'aléatoire, cependant son influence est diminuée par la faible variété de cartes, cumulée à la possibilité d'en choisir les trois premières de chacun des decks.
La difficulté tient en fait davantage à la nécessité de contrer ou d'amortir l'action du boss, souvent dangereuse, parfois dévastatrice. Cela donne des affrontements tendus qui réclament une once de clairevoyance, ce que certains trouveront peut-être au pire imbuvable, au mieux ubuesque bien qu'en réalité, en plus d'une particularité physique (défense de fer, grosse barre de vie, etc.), ils ont aussi des semblants de patterns que l'on finit plus ou moins par deviner. Et puis en cas de défaite, il est bon de savoir que l'on dispose d'un nombre infini d'essai.
Les tire-au-flanc et les rageux pourront tout de même, s'ils le souhaitent, passer en mode bataille automatique, en maintenant la gachette de gauche appuyée.
Techniquement désuet, des loadings un peu longuets et des petites séquences d'anime reproduisant les actions en combat, mal compressées et à l'étroit dans une fenêtre réduite, excèderont les plus intransigeants des joueurs. De plus, en cherchant (loin, cela dit) dans les tréfonds du jeu vidéo japonais, on découvre même un obscur jeu, Ghost Sweeper Mikami sur Super CD-ROM 2, qui lui subtilise la primeur de ces combats à base de cartes. Mais c'est vraiment histoire d'être méchant car le titre de SEGA conserve une forte identité, grâce à un ensemble de petites idées bienvenues tels que les consommables (items de régénération type hamburger, yakitori, etc.), qui pourrissent si on les stocke trop longtemps, le secret des attaques combinées en échange de petites culottes laissées à l'abandon ici et là (...), ou encore la possibilité d'obtenir des cartes supplémentaires via un deuxième PC situé au quatrième étage.
Vaguement photoréalistes mais restituant habilement l'atmosphère du Japon, les décors sont comme autant de cartes postales un peu vieillies qui ne garantissent pas le voyage, mais constituent une bien belle brochure touristique, surtout pour ceux qui n'ont pas encore eu la chance de s'y rendre. Mention spéciale, en passant, à la chouette présentation des régions, chacune gratifiée d'une mini map tout en couleurs et dessins très kawaïi.
Le jeu aurait dû jouer à fond la carte (pardon) du trip "grande enquête", en évitant notamment un découpage trop net en chapitres/stages, ou en octroyant un peu plus de liberté(s) au joueur, comme celle du choix de la team par exemple. Le système de combat, très intéressant et original, fonctionne bien en l'état mais, revers de la médaille d'une sobriété assumée, on ne peut s'empêcher de penser qu'il est trop léger même si, pour le coup, on suppose que cela aurait nécessité plus de séquences anime, donc plus de travail et plus de budget... Une insuffisance que ressentiront davantage ceux qui ne pourront profiter du scénario dans ses moindres détails, mais à qui il restera toujours l'ambiance bien singulière du soft, quoique là aussi, plus que tout autre titre, on ne sait pas trop si elle est dûe au jeu en lui-même ou à l'époque formidable à laquelle il se rattache. Dans tous les cas et même avec le recul acquis depuis, s'il est difficile d'être plus élogieux à son égard, il n'y a pour autant pas grand chose à jeter dans Blue Seed -Kushinada Hirokuden-, qui vaut le coup d'oeil ne serait-ce que pour ses personnages bigarrés, le challenge offert par des combats crispants contre les boss (et même certaines portions de l'aventure), donc forcément gratifiants, et le festival d'exhibition de la culotte de Momiji, bien évidemment.
GOOD : 7/10 -> 73%
TECHNICAL :
GAMEPLAY :
GRAPHICS :
SOUND :
STORY :