Test écrit par Murazame
Shiroki Majo ~Mô Hitotsu no Eiyû Densetsu~ est le troisième opus de la série éponyme (Legend of Heroes). Sorti initialement sur PC japonais en 1994 où il fit un petit carton (180.000 ventes), il faut savoir aussi que feu (snif...) Hudson, à qui Falcom concéda les droits du jeu, voulait en faire non pas une bête adaptation mais carrément un remake de son cru. Au programme, une certaine prise de risque de par des changements significatifs, voir même plutôt téméraires pour qui connaît le conservatisme effréné des gens sur la planète jeu vidéo...
Pour les joueurs en quête de maturité
Tout particulièrement loué pour son histoire, celle de Jurio et son amie d'enfance Chris, respectivement quatorze et quinze ans, partis tous deux en pélerinage, Hudson eut cependant la prudence de ne pas toucher une ligne de script.
Autrefois commune à tout Tirasweel, c'est une vieille tradition tombée en désuétude au fil du temps, que désormais seul leur village, Ragpick, continue à perpétuer. Un voyage initiatique en somme où ils doivent se rendre dans les cinq sanctuaires, appelés sharine, qui parsèment le continent, afin d'y contempler les magnifiques paysages naturels que montrent leurs miroirs magiques. Habituellement tout du moins, car ce que les deux mômes vont apercevoir est plutôt d'une nature assez inquiétante... Un peu intrigués par la chose au début mais pas abattus, et ne pouvant raisonnablement pas rebrousser chemin, ils poursuivent donc leur route munis de la dague d'argent, objet indispensable à la procession, servant notamment de passe-droit partout où ils en auront besoin.
Puis rapidement, de rencontres en découvertes, nos deux jeunes compères seront amenés à partager des bouts de chemin en compagnie de personnages excentriques ou des duos truculents, dans une ambiance très souvent bon enfant. Point de héros surhumains ici, seuls comptent les grands sentiments, et les petites gens d'être au coeur d'une histoire d'autant plus irrésistible qu'une subtile touche de mystère y est savamment distillée. D'un côté, c'est cette innomable et innommée force obscure causant des évènements inhabituels voir catastrophiques, et de l'autre les paroles éminemment prophétiques laissées par l'énigmatique sorcière (celle du titre du jeu), dont l'ombre plane partout sur le continent.
Au passage, elle gagne en éloquence grâce à un travail conséquent sur la mise en scène, qui nous gratifie de nombreux anime (d'une bonne vingtaine de minutes au total) et d'une poignée de dialogues parlés exclusivement (sans aucun texte donc), où les personnages feront montre de mimiques inédites.
Un remake mais avec de l'exclu inclus dedans
Si sa rivale ne dut se contenter effectivement que d'un simple portage, Shiroki Majo ~Mô Hitotsu no Eiyû Densetsu~ sur Saturn a pour sa part subit une opération radicale, et pas seulement plastique. Formulé autrement, avec une pointe de chauvinisme de circonstance, c'est cette dernière que Hudson avait tout spécialement pomponné.
La direction artistique fut confiée au peu connu Soeta Kazuhiro (qui a plusieurs casquettes à son actif, notamment celle de réalisateur sur certains OVA de Chroniques de la Guerre de Lodoss, ou de mangaka avec le très confidentiel Vampire Akiba!!), pour un nouveau design coloré, plus moderne. Graphiquement, le ravalement de façade complet est de mise, puisqu'on passe à une vue de trois-quarts très coquette, aux tons curieusement un peu ternes toutefois, dans lesquels de bien beaux sprites se meuvent dans une gestuelle très fignolée. La refonte est assurément flatteuse quoique, comme certains n'auront pas manqué de le manifester, sans nier sa qualité intrinsèque, elle dénature l'ambiance du jeu d'origine.
On retrouve bien sûr le même souci du détail dans les combats, que ce soit les visages qui réagissent à la situation, les effets visuels (3D, transparence, gerbe de sang), sobres mais si soigneusement appliqués.
Que l'on ait joué ou non au titre sur l'antédiluvien PC-9801, on peut par contre regretter que l'aspect simulation de l'original (où les personnages, dont on ne gérait que la ligne de conduite, agissaient de manière autonome une fois sur le terrain), ait été tronqué contre un système vu et revu de tour par tour. Non seulement terriblement basique, un ré-ajustement à la baisse du niveau de difficulté (qui ne laisse heureusement pas le bourrinage impuni, cela dit), cumulé à un nombre de combat invariable, ne leur laissent au final qu'un intérêt très discutable. L'expérience sera ainsi parfaitement identique d'un run ou d'un joueur à un autre (si on fait abstraction du choix de l'itinéraire pour se rendre à Baraka, dans la région désertique de Guidona), l'élimination des ennemis ne constituant guère plus qu'une formalité à remplir, et le level up une simple justification pour coller au genre. Une mise à niveau plus qu'une montée en puissance d'ailleurs, où seules les magiciennes Chris, Filie et Stella verront leur panoplie s'enrichir de nouveaux sortilèges : magie dite chappel pour ceux de type soins et renforts, kando pour les trucs offensifs, toutes disponibles en magasin une fois le niveau requis atteint (mais à quoi bon le préciser, puisque là ausi tout est désespérément immuable ?). Les autres, le pauvre Jurio y compris, n'étant dotés que d'une seule et pauvre attaque spéciale, ni plus ni moins.
Un destin tout tracé
Contrairement à ce que pourraient laisser penser les grands espaces qui séparent villes et villages, le périple de Chris et Jurio ne fait pas la promesse d'équipée sauvage ou d'errance imprudente. On ne s'aventure pas hors du sentier et l'unique petit à-côté falcutatif est la recherche de quelques ouvrages à lire ici et là. Fidèle à lui-même, le jeu de Falcom ne manquera pas de conclure sur une note humoristique cette bien belle histoire, soutenue qui plus est par une bande son appropriée, en particulier le thème principal, superbe bien qu'exagérement emphatique. Seul le blème écran titre et ses quelques notes tristement futuristes jurent avec l'univers du jeu, lequel, chose étonnante pour un rpg nippon de 1998, n'aura pas eu droit à une chanson au générique d'ouverture.
Toujours est-il que le gameplay n'est clairement pas la matière première de cette mouture Saturn. Adressée aux joueurs consoles, on comprend mieux sa simplification quand on sait qu'elle fut intentionnelle ; chez Hudson ce public étant à l'époque considéré comme moins hardcore (voir à ce sujet, l'entretien avec Goi Tomohisa dans l'un des guide books officiels). Conçu avant tout avec l'idée de faire profiter du très estimable scénario au plus grand nombre, sans qu'il n'ait à souffrir trop d'obstacles, l'appréciation de ce remake (où Panpan, le petit ours qui accompagne Felie, devient un perso jouable, tout de même !) est donc laissée à chacun. Néanmoins, les allures d'adorable exclusivité de Shiroki Majo ~Mô Hitotsu no Eiyû Densetsu~, grâce au minutieux travail effectué, ne devraient pas laisser insensibles les aficionados de la console de SEGA.
GOOD : 7/10 -> 79%
TECHNICAL :
GAMEPLAY :
GRAPHICS :
SOUND :
STORY :